2022-12-11 Debussy “Trois chansons de Bilitis“ Translations

La flûte de Pan
The flute of Pan
Pour le jour des Hyacinthies, il m’a donné une syrinx
faite de roseaux bien taillés, unis avec la blanche cire
qui est douce à mes lèvres comme le miel.
Il m’apprend à jouer, assise sur ses genoux; mais je
suis un peu tremblante. Il en joue après moi, si
doucement que je l’entends à peine.
Nous n’avons rien à nous dire, tant nous sommes
près l’un de l’autre; mais nos chansons veulent se
répondre, et tour à tour nos bouches
s’unissent sur la flûte.
Il est tard; voici le chant des grenouilles vertes qui
commence avec la nuit. Ma mère ne croira jamais que
je suis restée si longtemps à chercher ma ceinture perdue.
For Hyacinthus day he gave me a syrinx made of
carefully cut reeds, bonded with white wax which tastes
sweet to my lips like honey.
He teaches me to play, as I sit on his lap; but I am
a little fearful. He plays it after me, so gently that I scarcely hear him.
We have nothing to say, so close are we one to
another, but our songs try to answer each other, and our mouths join in turn on the flute.
It is late; here is the song of the green frogs that
begins with the night. My mother will never believe
I stayed out so long to look for my lost sash.
La chevelureThe tresses of hair
Il m’a dit: «Cette nuit, j’ai rêvé. J’avais ta chevelure
autour de mon cou. J’avais tes cheveux comme un
collier noir autour de ma nuque et sur ma poitrine.
«Je les caressais, et c’étaient les miens; et nous
étions liés pour toujours ainsi, par la même chevelure
la bouche sur la bouche, ainsi que deux lauriers n’ont
souvent qu’une racine.
«Et peu à peu, il m’a semblé, tant nos membres
étaient confondus, que je devenais toi-mê me ou que
tu entrais en moi comme mon songe.»
Quand il eut achevé, il mit doucement ses mains sur
mes épaules, et il me regarda d’un regard si tendre,
que je baissai les yeux avec un frisson.
He said to me: ‘Last night I dreamed. I had your
tresses around my neck. I had your hair like a black
necklace all round my nape and over my breast.
‘I caressed it and it was mine; and we
were united thus for ever by the same tresses,
mouth on mouth, just as two laurels
often share one root.
‘And gradually it seemed to me, so intertwined
were our limbs, that I was becoming you, or you were entering into me like a dream.’
When he had finished, he gently set his hands on
my shoulders and gazed at me so tenderly that I lowered my eyes with a shiver.
Le tombeau des NaiadesThe tomb of the Naiads
Le long du bois couvert de givre, je marchais; mes cheveux
devant ma bouche se fleurissaient de petits glaçons, et
mes sandales étaient lourdes de neige fangeuse et tassée.

Il me dit: «Que cherches-tu?»—«Je suis la trace du satyre.
Ses petits pas fourchus alternent comme des trous dans
un manteau blanc.» Il me dit: «Les satyres sont morts.
«Les satyres et les nymphes aussi. Depuis trente ans il
n’a pas fait un hiver aussi terrible. La trace que tu vois est
celle d’un bouc. Mais restons ici, où est leur tombeau.»
Et avec le fer de sa houe il cassa la glace de la source
où jadis riaient les na ïades. Il prenait de grands
morceaux froids, et les soulevant vers le ciel pâle, il
regardait au travers.
Along the frost-bound wood I walked; my hair across
my mouth, blossomed with tiny icicles, and my
sandals were heavy with muddy, packed snow.


He said to me: ‘What do you seek?’ ‘I follow the satyr’s track.
His little cloven hoof-marks alternate like holes in
a white cloak.’

He said to me: ‘The satyrs are dead.‘
‘The satyrs and the nymphs too. For thirty years there
has not been so harsh a winter. The tracks you see are those
of a goat. But let us stay here, where their tomb is.’

And with the iron head of his hoe he broke the ice of
the spring, where the naiads used to laugh. He picked up
some huge cold fragments, and, raising them to the pale sky,
gazed through them.